13
Comme on pouvait s’y attendre, la porte de bronze ne donnait accès ni à une prison ni à une chambre de torture, mais à une salle du trésor située sous la maison d’un homme riche. On y avait entassé une profusion de coffrets à bijoux somptueusement décorés, d’urnes pleines de pièces de monnaie, de statuettes en argent et de talismans sculptés dans des pierres précieuses. Sur les murs étaient accrochés des armes anciennes et des insignes militaires, de ceux qui font la joie des collectionneurs. Parmi tout ce fouillis, mon regard fut attiré vers le fond de la salle, dans un espace qui avait été dégagé pour mettre en valeur un objet.
Je le reconnus aussitôt et ressentis un choc en songeant au passé avec regret. Je l’avais vu la première fois dans un cadre qui, à certains égards, ressemblait à celui-ci. C’était dans une mine au nord de Rome, où se cachaient Catilina et quelques intimes. L’objet en argent était fixé au sommet d’une longue hampe et entouré d’une oriflamme rouge et or. Dans l’obscurité, je considérai l’aigle avec son bec dressé et ses ailes largement déployées. Sans le miroitement de l’argent, on aurait cru voir un véritable oiseau immobilisé dans son envol majestueux.
— L’étendard de Catilina, murmurai-je.
— Tu t’en souviens ? demanda Publicius.
Bien sûr que je m’en souvenais. Comment l’oublier ?
La dernière fois, je l’avais vu tomber à terre à Pistoria, en pleine bataille, à l’endroit où Catilina s’était affalé.
Publicius me toucha le bras et me murmura à l’oreille :
— C’est ce que ton fils était venu chercher ici, l’objet de sa mission à Massilia.
Je contemplai l’aigle, fasciné par le jeu d’ombre et de lumière sur ses ailes.
— Que dis-tu ? Je ne comprends pas.
— Avant Catilina, Marius, le mentor et héros de César, portait l’étendard surmonté d’un aigle durant sa campagne contre les Teutons et les Cimbres. Il est rentré triomphalement à Rome avec l’étendard. Des années plus tard, il se préparait à le porter encore une fois lors de la guerre contre Mithridate en Orient. Mais alors Sylla, qui avait été son lieutenant, s’est tourné contre lui et a fomenté une guerre civile. Sylla est même allé jusqu’à marcher sur Rome ! Pour finir, Marius a été tué, et l’étendard est tombé entre les mains ensanglantées de Sylla qui s’est déclaré dictateur. Mais cela n’a duré qu’un temps, car Sylla est mort bientôt, dévoré par la pourriture qui s’était répandue dans ses entrailles. Une mort horrible, mais qu’il méritait bien ; les dieux lui ont rendu la monnaie de sa pièce. Et puis – personne ne sait comment Catilina a eu l’étendard en sa possession.
— Le Libérateur ! s’écria Minucius.
— Pendant de nombreuses années, en attendant que vînt son heure, Catilina a caché l’étendard, continua Minucius.
— Cicéron prétendait que Catilina gardait l’aigle de Marius dans une pièce secrète et se prosternait devant lui pour l’adorer avant d’accomplir ses crimes, rappelai-je.
— Le criminel était Cicéron ! intervint Publicius avec véhémence. Cet homme n’a jamais été capable de comprendre le véritable pouvoir de l’étendard. Catilina l’a caché en lieu sûr jusqu’à ce que sonne l’heure de le porter à nouveau sur le champ de bataille pour s’opposer aux mêmes forces que celles combattues par Marius : ceux qui oppriment les faibles, qui souillent les purs, les hypocrites qui remplissent le Sénat et ridiculisent par leur conduite les vertus dont Rome s’est enorgueillie jadis.
D’une voix haletante, impatiente, Minucius reprit le fil du récit :
— Mais l’heure n’était pas encore venue. Catilina s’y était pris trop tôt ; sa cause était vouée à l’échec. Seuls quelques-uns d’entre nous se sont enfuis à Massilia pour préserver son souvenir, et, pendant un certain temps, les dieux ont permis aux canailles qui gardaient le Sénat sous leur emprise d’exercer le pouvoir. Les assassins de Catilina ont tranché la tête du Libérateur et l’ont exposée comme un trophée… mais jamais ils n’ont trouvé l’étendard surmonté de l’aigle ! S’ils l’avaient découvert, ils l’auraient détruit, fondu dans un brasier et jeté à la mer.
— Nous l’avons cherché pendant des années, dit Publicius. Nous avons engagé des agents secrets, offert des récompenses, suivi des fausses pistes…
— Ceux qui ont essayé de nous duper ont eu à le regretter ! s’écria Minucius.
— Mais l’aigle avait disparu.
— Certains d’entre nous perdaient tout espoir…
— Nous craignions que nos ennemis eussent trouvé et détruit l’étendard.
Publicius reprit haleine et tourna la tête pour contempler l’aigle d’argent.
— Pourtant l’étendard avait toujours été là ! continua-t-il. À Massilia, en sécurité dans cette chambre forte ! Caché sous terre, dans l’obscurité, derrière une porte de bronze. Comme si l’aigle avait su où donner rendez-vous à celui qui en serait le nouveau propriétaire.
Mon regard effleura l’aigle, puis Publicius et Minucius, avant de se poser sur Verrès qui pinçait les lèvres en silence.
— Alors Caius Verrès est maintenant votre chef ? demandai-je.
— Pas du tout ! rétorqua Publicius. Verrès est simplement le gardien de l’étendard ; il en a la responsabilité avant de le remettre à son vrai propriétaire. En quel endroit plus propice l’aigle pourrait-il attendre, oublié de tous, à l’abri de ses ennemis ?
— Et qui est le futur propriétaire ? demandai-je.
— Mais c’est évident ! César, naturellement. César achèvera la tâche qu’ont commencée Marius et Catilina. César abolira le Sénat – il a déjà obligé les sénateurs à s’exiler. César reconstruira l’État romain.
— Il reconstruira le monde ! s’écria Minucius.
— C’est son destin. Et il le fera sous cet étendard. Quand s’effondreront les murailles de Massilia, quand le général en personne entrera, resplendissant de gloire, l’aigle sera là à l’attendre. Si Massilia a été la première destination de César après qu’il se fut emparé de Rome, crois-tu qu’il s’agissait d’une simple coïncidence ? Oh, non ! Des rumeurs l’avaient déjà mis au courant. Il est venu ici pour trouver l’étendard de Marius, mais les magistrats suprêmes ont pris parti pour Pompée et lui ont fermé leurs portes. Quels sots ! Pour obtenir ce qui lui appartient légitimement, César a dû assiéger la ville. Mais un homme comme lui a recours à des moyens plus subtils que les catapultes et les béliers. Il a également envoyé ici ton fils, Méto, qui a jadis combattu aux côtés de Catilina, pour confondre ses ennemis et chercher l’étendard disparu.
— Et maintenant c’est toi qui es venu, murmura Minucius. Toi aussi, tu as combattu aux côtés du Libérateur. Tu seras présent au moment où César prendra possession de l’étendard. Tu vois comme les dieux précipitent les choses. Les fils qu’ils tissent avec nos vies mortelles forment une trame visible seulement des cieux ; nous, ici-bas, nous ne pouvons que deviner leurs desseins.
Il secoua la tête et sourit, tant ces choses merveilleuses l’étonnaient.
J’eus soudain l’impression d’étouffer dans cette chambre forte exiguë, et les trésors accumulés dans la pièce me parurent aussi dérisoires que toutes les statues entassées dans les salles du rez-de-chaussée. L’étendard lui-même, auquel l’enthousiasme des deux compères avait conféré un pouvoir magique, n’était après tout qu’un autre objet luxueux, façonné de mains d’hommes en vue d’un objectif bien trop humain.
— Que m’importe tout ceci ? dis-je. Mon fils est mort.
Publicius et Minucius échangèrent un clin d’œil complice.
— C’est là où tu te trompes, Gordianus, objecta Publicius. Ton fils n’est pas mort.
Je le regardai avec stupeur. La lumière vacillante me donna l’illusion que l’aigle d’argent s’animait, quand je lui jetai un bref coup d’œil.
— Qu’as-tu dit ?
— Méto n’est pas mort. Oui, tout le monde le croit ; tout le monde sauf nous. Nous l’avons vu.
— Vous l’avez vu ? Vivant ? Où ? Quand ?
— Plus d’une fois depuis qu’il se serait noyé, expliqua Minucius. Il apparaît au moment où nous nous y attendons le moins. Sa mission consiste à préparer la venue de César. Aussi l’aigle d’argent doit-il être prêt.
— Je me moque bien de l’aigle ! criai-je.
Davus me saisit le bras pour me calmer.
— Qu’il aille rejoindre Catilina aux Enfers, continuai-je. Mais où est Méto ? Quand pourrai-je le voir ?
Ils reculèrent, stupéfaits, regardèrent l’aigle, puis détournèrent les yeux, comme s’ils avaient honte d’avoir amené un blasphémateur en sa présence.
— Tu as beaucoup souffert, Gordianus, grommela Publicius. Ce n’est pas une raison pour être sacrilège.
— Sacrilège ? Vous m’amenez dans ce… – je ne parvenais pas à trouver le mot pour décrire la maison de Caius Verrès – et vous m’accusez de sacrilège ! Je veux voir mon fils. Où est-il ?
— Nous ne le savons pas, répondit Minucius d’une voix suave. Il vient nous voir à l’heure et à l’endroit qu’il choisit. Tout comme Catilina.
— Quoi ?
— Oui, nous voyons souvent Catilina ici, dans les rues de Massilia, affirma Minucius. Tu dis qu’il est aux Enfers, mais tu te trompes. Son âme n’a jamais été en repos, elle n’a jamais quitté la terre depuis la bataille de Pistoria. Comme il avait projeté de venir ici de son vivant, son âme erre à Massilia. Il prend parfois l’apparence d’un devin, il se dissimule sous une cape et un capuchon, si bien que personne ne peut voir son visage ou la trace du coup d’épée qui a séparé sa tête de ses épaules…
Je me rappelai le devin sorti de nulle part dans le temple d’Artémis, celui que les soldats romains surnommaient Rabidus. La silhouette encapuchonnée m’avait adressé la parole : « Ici tout est illusion. Tout ! » Plus tard il avait deviné que j’étais venu chercher Méto…
Un froid glacial me gagna, comme si j’étais entré dans un tombeau. Je frissonnai et serrai les dents. C’est à peine si je pouvais parler.
— Alors Méto vient vous voir… L’âme de Méto vient vous voir. Comme celle de Catilina ?
Publicius haussa les épaules. Sa voix était redevenue calme. Sa colère s’était apaisée.
— Qu’importe ? Méto a joué son rôle dans l’histoire de l’étendard, comme Catilina avant lui, comme toi aussi peut-être, Gordianus. Pour quelle autre raison les dieux t’auraient-ils envoyé ici, à Massilia ?
— Pourquoi, en effet ? marmonnai-je.
J’étais vidé, comme lorsque mon moral était au plus bas chez le bouc émissaire ; vidé de ma colère, de tout espoir. Je ne ressentais même plus de mépris pour ces deux individus aux manières affectées, qui vouaient à leur idole un culte mystérieux. Je me tournai vers Verrès qui, à son tour, me regarda d’un air sardonique.
— Emmène-moi hors d’ici, Davus, murmurai-je. J’ai besoin d’air.
Nous sortîmes de la pièce, mais Verrès tenait la lampe. Sans cette lumière, il aurait fait noir comme dans un four. Je pensai au tunnel inondé et fus pris de vertige. Nous attendîmes que Verrès eût fermé à clef la porte de bronze, puis nous nous aplatîmes contre le mur pendant qu’il se glissait avec peine devant nous pour nous montrer la sortie. J’éprouvai une profonde répugnance en sentant son corps énorme contre le mien. Son parfum mêlé à l’odeur de sa sueur et de l’huile qui brûlait m’écœurait.
Nous montâmes l’escalier, arrivâmes dans la maison et continuâmes jusque dans le jardin et le vestibule sans un mot. À la porte, les admirateurs de Catilina hésitèrent. S’ils avaient encore quelque chose à ajouter, je n’étais pas d’humeur à l’entendre.
— Vous n’avez pas besoin de me raccompagner chez Hiéronymus, dis-je. Davus et moi, nous pouvons trouver le chemin.
— Alors, nous allons vous quitter maintenant, répondit Minucius.
Chacun d’eux me serra la main et me regarda dans les yeux.
— Courage, Gordianus ! s’exclama Publicius. Le moment de notre libération approche. Toutes les questions auront leur réponse.
Puis tous deux s’en allèrent.
J’étais étourdi, prêt à tomber. Davus me prit le bras.
Derrière moi, Verrès éclata de rire.
— Ils sont tous les deux complètement fous, remarqua-t-il. Et ce ne sont pas les seuls. Il y a encore un certain nombre de ces fanatiques ici, à Massilia, qui s’accrochent à Catilina et à son rêve étrange. Incroyable ! Tous complètement fous.
Je me retournai pour le regarder en face.
— Et toi, Caius Verrès ? Comment te définirais-tu ?
— Moi ? Je suis cupide. Et en même temps perspicace, je suppose. Il y a dix ans, quand une de mes relations en Italie m’a proposé de me vendre cet étendard, j’ai pensé que cela pourrait être un bon placement, mais je n’avais pas idée que cela pourrait me servir un jour à acheter mon retour à Rome.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— Nos deux amis sont peut-être fous, mais ils ont raison sur-un point. César veut absolument l’étendard. Oh ! pas pour des raisons d’ordre mystique ou politique – tous les anciens partisans de Marius ont déjà rallié son camp. Non, il le veut pour des raisons sentimentales. Marius était son mentor et un parent ; Catilina était son ami. J’ai toujours supposé que César aurait ouvertement soutenu Catilina, si le moment avait été opportun.
— Ces deux-là prétendent que César s’est rendu directement à Massilia pour revendiquer l’étendard.
— Celui qui est capable de lire une carte sait pourquoi César a fait un détour par ici : Massilia se trouve sur le chemin de l’Espagne, où César doit liquider les troupes de Pompée avant de pouvoir entreprendre quoi que ce soit d’autre. Néanmoins il veut l’étendard. Il se trouve que je le possède. En échange d’un objet aussi précieux, le pardon sera accordé à l’exilé inoffensif que je suis.
— Tu espères que César te rendra ta citoyenneté en échange de l’aigle ?
— C’est une transaction fort équitable, à mon avis.
— Alors tu te sers simplement des deux partisans de Catilina ?
— Comme ils espèrent se servir de moi. Ils me dégoûtent ; je suppose que la réciproque est vraie. Mais nous avons un point commun : nous avons tous le mal du pays. Nous voulons retourner à Rome, rentrer chez nous.
— Moi aussi, Caius Verrès, murmurai-je. Moi aussi.
Davus et moi prîmes la direction de la maison du bouc émissaire. J’avais l’esprit en ébullition. Les partisans de Catilina, en prétendant avoir vu Méto depuis sa chute dans la mer, avaient cruellement fait naître en moi l’espoir, puis l’avaient anéanti. Ils étaient fous, comme l’avait dit Verrès ; et pourtant, je me raccrochais à cet espoir ténu : Méto pourrait être vivant. Était-ce parce que je n’avais pas vu son cadavre de mes propres yeux que je ne pouvais accepter la dure réalité de sa mort ? L’incertitude invitait au doute, et le doute permettait l’espoir ; mais un faux espoir était sûrement plus cruel que le chagrin engendré par la certitude.
Les deux compères avaient mentionné une silhouette encapuchonnée qu’ils prétendaient être l’âme errante de Catilina, et qui évoquait étrangement Rabidus. Que devais-je en penser ? Aurait-il pu s’agir de l’âme de Catilina, que j’avais rencontrée dans cette région désolée, près de Massilia ? Catilina lui-même avait-il essayé de me déconseiller d’aller dans la cité, sachant que mon fils était déjà mort ?
J’arpentai les rues de Massilia, hébété, à peine conscient de l’endroit où Davus me conduisait. Quand il me toucha le bras et chuchota dans mon oreille, je sursautai.
— Je n’en suis pas sûr, beau-père, mais je crois qu’on nous file.
Je clignai des yeux et jetai un regard circulaire. Je remarquai pour la première fois qu’il y avait d’autres personnes dans la rue. Je ne les aurais pas crues si nombreuses. Malgré le siège, la vie continuait à Massilia.
— On nous file ? Qu’est-ce qui te laisse penser ça ?
— J’ai cru voir deux hommes, toujours à une centaine de pas derrière nous. Nous venons de faire le tour du pâté de maisons et ils sont toujours là.
Je me retournai, nous nous trouvions encore une fois devant la porte de la maison de Verrès. J’avais l’esprit tellement engourdi que je n’avais même pas remarqué que Davus m’avait ramené au point de départ.
— Est-ce qu’ils nous rattrapent ?
— Non, ils semblent rester à la même distance. Et je crois…
— Que crois-tu ?
— Je crois qu’ils nous ont pris en filature quand nous avons quitté la demeure du bouc émissaire.
— Probablement des agents des magistrats suprêmes, qui surveillent les hôtes du bouc émissaire. Si les autorités nous font surveiller, nous n’y pouvons pas grand-chose. Reconnais-tu les deux individus ? Peut-être les avais-tu vus auparavant parmi les soldats d’Apollonidès.
— Ils sont trop loin pour que je puisse bien voir leur visage, répondit Davus. Et s’ils ne sont pas envoyés par les magistrats suprêmes ? Si quelqu’un d’autre nous fait suivre ?
— Cela semble peu probable, mais c’est possible.
Si j’avais appris quelque chose depuis mon arrivée à Massilia, c’était de m’attendre à l’inattendu.
Mine de rien, je jetai un coup d’œil derrière nous.
— Où sont-ils ?
— On ne les voit plus maintenant. Ils se sont éloignés. Mais, beau-père, n’avons-nous pas déjà vu celui-là ?
Je tournai la tête et suivis le regard de Davus : dans une ruelle, une vingtaine de femmes, un panier vide à la main, s’étaient rassemblées devant une échoppe close ; elles chuchotaient et jetaient des regards furtifs. Sans doute un négociant corrompu leur avait-il promis des rations de contrebande.
— Je vois surtout des femmes, Davus, mais pas un seul homme.
— Là-bas, un peu plus loin, il porte un capuchon. C’est le devin que nous avons rencontré sur la route de Massilia.
Ma respiration s’accéléra. J’entrevis la silhouette une ou deux fois. Comme Davus, je crus reconnaître Rabidus. Mais c’était impossible ; comment aurait-il pu pénétrer à l’intérieur de la cité ? Notre esprit nous jouait un tour ; les partisans de Catilina avaient ravivé le souvenir du devin. Il ne s’agissait probablement pas d’un homme, mais simplement d’une femme qui se tenait un peu à l’écart de la foule. Et pourtant…
Je m’avançai dans la ruelle. Davus me suivit. La silhouette encapuchonnée me sembla sursauter. Était-ce le fruit de mon imagination ?
Davus me saisit le bras. J’essayai de me dégager, mais il resserra son étreinte.
— Beau-père, voilà à nouveau ceux qui nous ont suivis. Plus loin que le devin, tout au bout de la rue. Ils ont dû tourner en rond.
J’aperçus les deux hommes dont parlait Davus. Ils étaient trop éloignés pour que je les reconnaisse. Vêtus de simples tuniques marron, ils n’avaient rien qui pût les distinguer des autres passants. La silhouette encapuchonnée tourna la tête. Elle sembla également les apercevoir et sursauta à nouveau. Je tentai de me diriger vers elle à travers la foule. L’expression de mon visage dut effrayer les femmes qui poussèrent des exclamations, mais je fus incapable de les comprendre tant elles parlaient vite. Puis elles se dispersèrent comme des oiseaux effarouchés.
La confusion régna pendant un moment, ensuite la ruelle se vida. Les femmes disparurent. Les deux hommes au bout de la rue également, ainsi que la silhouette encapuchonnée. À supposer qu’elle se fût vraiment trouvée là.